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13 mai 2014 2 13 /05 /mai /2014 16:52

« Il nous reste six jours ». Pas une semaine, non, six jours, ils en sont presque à décompter les heures. Voilà qui en dit long sur la hâte des détenus à quitter le CNE où ils passent six semaines dans l’espoir d’une remise de peine ou d’une libération conditionnelle. La situation leur pèse : l’enfermement, la lumière qui empêche de dormir, le déclic incessant des verrous et le claquement des grilles, jour et nuit. Et puis, rien à faire : ils ont laissé leur travail ou leurs études dans la prison où ils purgent leur peine, souvent bien loin, en Alsace, à Lyon, à Marseille, trop loin d’ici pour recevoir la visite de leurs familles. Est-ce cela qui les a fait répondre nombreux à notre invitation ? Ils étaient huit ce lundi, venus à notre rencontre et à celle de nos personnages. Des hommes comme nous, avec une famille, un chez eux, des idées, des envies, mais qui resteront là quand nous, nous partirons.

C'était hier, le 12 mai. Thierry Moral avait emmené « Fred Loram » (son alter ego ?) et moi, « L’ombre d’Auriel ». Honneur aux dames, et je suis la seule de l’assemblée, c’est donc la première page de mon roman qu’ils ont d’abord écoutée. Bingo ! c’était gagné. Leur attention n’était pas un intérêt de commande et les questions ont fusé dans tous les sens : c’est une histoire vraie ? Qu’est-ce qui va arriver ? Non, ne dites rien, je vais le lire. Comment vous êtes-vous documentée ? Vous écrivez à la main ? Combien de temps pour faire ce livre ? Au travers de ces questions, c’est aussi une part d’eux-mêmes qu’ils révèlent : leurs origines, leur famille, et « leur âme qu’ils portent sur le dos ». Et puis c’est le tour de Thierry. Nouvelle lecture, autre ambiance, autre ton, et ils y sont sensibles. Nos histoires, nos personnages sont différents mais ils leur trouvent des points d’accroche, peut-être parce que l’un et l’autre leur parlent, les touchent par des aspirations qui rejoignent les leurs : vivre une vie juste, « normale », au travers des aléas et des erreurs humaines qu’il faut toujours assumer.

- Quand je sortirai, j’irai vous dire bonjour avec ma femme et mes enfants. En attendant, on va boire un pot tous ensemble sur la place. C’est toi qui as la clef ?

On se serre la main, avec chaleur. Chacun repart plus riche : eux, d’avoir donné un regard profond sur nos romans et même sur les auteurs que nous sommes, et nous, d’avoir reçu une leçon de ces hommes qui refusent de mettre leur esprit en prison.

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Présentation

  • : Le blog de MarieClaireGeorge.over-blog.com
  • : Blog de Marie-Claire George, auteur du roman "L'ombre d'Auriel", et de "L'ange gardien", recueil de nouvelles.
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SALONS et MANIFESTATIONS

Fête des Arts- Livres en Fête à SERVON Sur VILAINE (35) - 15 Mai 2011

http://atelierdartservon.over-blog.com/

Nous étions à Servon sur Vilaine !

 

 

 

 

Vagabond'Ange - Mise en voix de plusieurs de mes nouvelles par le Box Théâtre (Eric Serkhine)

Vous vous posez des questions ?

       Quand ? Les samedi 2 juillet à 20h et dimanche 3 juillet à 16h.

       Où ? Rue de l'Egalité, 41 à Quaregnon

       Combien ? 5 €

       Comment ? Réservation au 0489/347.989

Au plaisir de vous y retrouver !

Mes publications

angegardienrecto    L'ANGE GARDIEN, aux éditions Chloé des Lys (2010)

 

En préparation : L'OMBRE D'AURIEL, roman

J'ai lu

Les Romanichels, d'EdméeDe Xhavée

 

es Romanichels, c’est un vrai roman. Des personnages hauts en couleurs, improbables, impossibles, mais que la verve d’Edmée De Xhavée rend plus vrais que nature. Des vies qui se mêlent, qui se cherchent, qui se déchirent et se retrouvent. On ne trouve ici ni pathos ni caricature ; tout sonne juste, grâce à ce ton léger qui colle bien à la pudeur des sentiments, marque de fabrique des membres de cette famille originale. Oui, j’ai bien aimé !

 

 

Albert ou la quête d’un marathonien, d’Alain Bustin

 

"Albert", c'est un court roman  à lire à plusieurs niveaux : pour l’ambiance de ces courses exigeantes - marathons ou courses de montagne - parfaitement rendue : enthousiasme devant les paysages grandioses, découragement quand les forces s’épuisent et que le corps a trop mal, réconfort des signes d’amitié, solidarité dans l’épreuve. Tout y est, les sportifs s’y reconnaîtront et pour les autres, c’est la porte ouverte sur un monde incroyable. Mais l’auteur va plus loin : à quoi bon repousser sans cesse ses limites ? Pourquoi courir, pourquoi souffrir ? C’est en cela que ce roman dépasse le côté descriptif ou simplement anecdotique : à la suite d’Albert, le lecteur cherche le moyen de dépasser les manques inévitables gravés au cœur de l’homme pour tenter de tirer de lui ce qu’il y a de meilleur. D’une faiblesse, le héros fait une force. Un roman sur la résilience qui touche et interpelle. Le nombre des lecteurs en témoigne, une réédition est d’ailleurs en cours.

 

 

Rue Baraka, de Carine-Laure Desgain

 

            Voilà un roman à l’image de son auteur : atypique, dynamique et optimiste ! Une histoire qui aurait pu sombrer dans le pathos mais qui s’en garde bien. Et si le héros se réconcilie avec la vie, nous, les lecteurs, embrayons d’emblée sur cet état d’esprit positif. La PPP, vous connaissez ? (c’est la pensée permanente positive, et ça marche !)

Un roman que l’on quitte « boosté »... et auquel on revient volontiers !

 

 

 

Un, deux, trois, soleil ! de Josy Malet-Praud

 

            Pour un coup d’essai, voilà un coup de maître ! Josy Malet-Praud signe ici son premier recueil de nouvelles réunies sous un titre optimiste. Non, pourtant, toutes ses histoires ne sont pas drôles. Elles sont simplement à l’image de la vie où se mêlent les heures graves et les moments heureux, les questions sans réponses et la foi dans des jours meilleurs.

 

            C’est tout l’art de l’auteur de nous les livrer sans démonstration pesante, sans morale explicite. Ce sont juste des histoires – de belles histoires – qu’elle livre à notre réflexion, ou simplement pour nous faire plaisir, à nous lecteurs. Et nous nous laissons facilement entraîner dans son imaginaire, tant l’écriture fluide et imagée nous le rend vivant.

 

 

 

C’est quoi ton stage ? de Sophie Vuillemin

 

            Quatorze ans et toute la vie devant soi : de quoi toiser, sinon enquiquiner, les voisins ralentis par l’âge et pleins de bons sentiments. Une attitude que ne peut supporter la mère de Pierre, et voilà le gamin expédié en stage dans une maison de retraite. Une honte à cacher aux copains ! Mais au fond, c’est un tendre qui s’ignore, Pierre, et il est intelligent. De jour en jour, de petit vieux en petit vieux, il fait l’apprentissage d’un monde qu’il ignorait, le monde de la faiblesse, de la patience, de la bienveillance et de l’humour.

 

            Il faut lire ce court roman de Sophie Vuillemin : une écriture vive, directe, sans affectation, au service de son personnage qui se fait toujours plus attachant. Une histoire qui  sonne juste et se termine sur un clin d’œil.

Quelques nouvelles

A tort et à travers

 

                        James se retournait dans sa tombe. Non pas qu’il se scandalisât du spectacle qu’il devinait au-dessus de lui – car ce spectacle, il l’avait bien souvent dépeint dans ses toiles rebelles – non, bien au contraire, il se retournait d’ennui. De son vivant, le baron Ensor avait pris tellement plaisir à provoquer son monde puis à jouir des honneurs prodigués par la nation étrangement reconnaissante qu’aujourd’hui, au fond de son tombeau, il s’ennuyait ferme.

 

                        Dire qu’il avait dû abandonner tout cela au moment où on le descendait dans la terre ! La brûlure du sable sec, le ciel clair ou tourmenté, la dentelle aux crêtes des vagues, la lumière changeante et belle, le piquant de l’iode à ses narines... Ce n’était rien, pourtant, au regard de la foule qui peuplait les plages de baigneurs grotesques, les cafés de masques ignobles et les rues de squelettes puants. Ces bourgeois, ces petits vieux, ces curés, ces poissardes, il avait percé leur carapace, dénudé leur âme grise. Avec jubilation. Il les avait bien eus ! La mort, qui riait avec lui de la hideur des autres, avait quand même fini par le rattraper et par le jeter six pieds sous terre avec – compensation dérisoire – tous les honneurs qui seyaient à un personnage de son importance.

 

                        Soixante ans d’ennui ! Depuis ce jour fatal, il s’était fait discret. On ne l’invitait même plus aux vernissages des rétrospectives de ses œuvres. Les villageois entraient dans l’église sans même tourner la tête et rares étaient les estivants qui se recueillaient au pied du monument protocolaire sous lequel il reposait. Il reposait... Dieu, que le repos fatigue ! Comme on se lasse de tant d’oisiveté ! Que l’éternité est longue quand elle n’est pas féroce !

 

                        A bout de patience, un dimanche de juillet, James se résolut à pousser sa curiosité hors du tombeau par un interstice dans la pierre, histoire de se régaler à nouveau des vices de l’humanité. Et ce qu’il vit le sidéra : un front de mer défiguré par le béton, une colonnade rongée de lèpre, même plus de coquillages pour blesser les pieds des baigneurs au sortir de l’eau. Par contre, les gens, eux, étaient bien les mêmes. Toujours conventionnels. Tous moulés dans le même maillot, tous avachis aux terrasses des cafés, dans les odeurs de crème solaire et les vapeurs de moules et frites, tous dissimulés sous le même masque qu’autrefois. Rien n’avait changé, même si les faux cols avaient fait place aux T-shirts, les montres à gousset aux piercings, et les moustaches cirées aux crêtes rouges ou vertes sur la tête des punks. Partout, les mêmes gens en uniforme, les mêmes désirs convenus, les mêmes rites obligés. Ils se ressemblaient tous, comme deux gravelots pressés au bord de la vague, ou comme deux ferries en partance pour Folkestone.

 

                        De quoi s’en donner à cœur joie ! Que n’aurait-il donné pour ressusciter et démasquer à nouveau ces fantoches ? Difficile... Dieu se ferait sûrement tirer l’oreille avant de faire plaisir à un mécréant de son espèce ! Mais diable, les mains lui démangeaient de tenir à nouveau ses pinceaux !

 

                        Qu’elle est pénible, la solitude du mort dans sa tombe ! Le goût de la provocation aiguillonnait trop fort l’esprit du vieux baron pour qu’il ne conçût pas un plan pour libérer ses idées subversives. Un original... S’il seulement il dénichait un original, quelqu’un qui se laisserait habiter par les vues cyniques du grand peintre, qui agirait à sa place ?

 

                        Il marcha longtemps, incognito, pur esprit porté par le vent du large. Il arpenta la digue, le port, la place du marché, se faufila dans la foule estivale. Rien. Rien que des tricycles pour se jeter en travers de sa route, des sonnettes de vélos, des chiens courants. S’il voulait que son âme survive, il lui faudrait la remettre promptement à l’abri sous peine de la voir aplatie sous les roues d’un cuistax en folie. Alors, vite : où était-il, celui qui traquerait pour lui les dessous des retraités bien convenables, des grands-parents à la bonhomie patiente, des couples énamourés et des bambins trop sages ?

 

                        Vers le soir, il avisa, dressée au bord de la digue et tournant le dos à la mer, une silhouette majestueuse, une icône d’or et d’azur au front ceint d’un diadème qui retenait le soleil couchant. Saint Philippe de Moscou, le grand higoumène ? Un gyrovague indien ? Un prince inca ? L’homme ne faisait rien, il se contentait d’être là. De regarder passer la foule moite et avachie qui l’évitait avec respect et se retournait quelques pas plus loin pour mieux le regarder. Et lui, il les voyait. Il les voyait jusqu’au fond de l’âme. Il voyait leurs mensonges, leurs mesquineries, leurs gesticulations ambitieuses et leurs susceptibilités ridicules.

 

                        Et son regard se posa sur l’âme d’Ensor. Il vit le rouge sadique de son cœur, le noir de sa cruauté implacable, les ors stupides de ses rêves de gloire, le blanc du vide de son cœur. Et James rougit de honte. A son tour, il était démasqué.

 

                        Vite, se dérober à ce regard implacable ! Cacher son âme dénudée, reprendre le masque et se terrer au fond de son tombeau ! Il regagna en toute hâte sa dernière demeure, se glissa prestement sous la pierre qui portait son nom. Il n’aurait plus garde de se montrer !

 

 

Bolero

 

 

Souffle naissant, cœur qui bat.

Chant qui s’élève, presque sans bruit, déjà parfait.

Voix feutrée, unique. Merveille.

 

Marche de la vie qui prend force.

Avancée inéluctable. Le destin est en route.

Assurance  Fermeté  Confiance

 

Conscience  Inconscience.

Rêve à demi éveillé

Femme aux vêtements luisants qui bougent sur des hanches rondes

 

Soleil Pénombre

Moiteur voluptueuse de l’Orient

Lumière qui tangue au travers des volets bleus

 

Voix chaude, caressante, insinuante

Moelleuse. Voix profonde,

Voix puissante, impérieuse.

 

Voix diverses pour une même mélodie

Harmonie des différences

Chacun reste lui-même en chantant le même chant

 

Obsession  Obstination  Hantise

Martèlement qui scande une plainte assourdie

Eternelle renaissance des tourments

 

Ne plus penser. Continuer

Se laisser habiter par le feu des passions

Attente impatiente. Souffrance

 

Attente insoutenable

La mort. Chute brève, attendue, inattendue.

Anéantissement   Soulagement  Délivrance